Hotel Dusk : Room 215, le test complet sur Nintendo DS
Par Yukishiro,
Editeur :
Nintendo
Développeur :
CING
Prix de
lancement :
40 €
Genre :
Aventure
Multijoueur :
Jouable uniquement en solo
Evaluation PEGI :
[12 ans et plus] [Violence (PEGI)] [Langage grossier (PEGI)]
Après le fort sympathique mais néanmoins limité Another Code : Mémoires Doubles, les développeurs de CING confirment leur inclinaison pour le jeu d'aventure avec Hotel Dusk : Room 215 sur DS, qui débarque aujourd'hui dans l'Hexagone. On abandonne donc les investigations de Ashley sur son île pour suivre un dénommé Kyle Hyde dans un hôtel crasseux des Etats-Unis, pour une recherche conceptuelle encore plus intensive entre la littérature et le jeu vidéo. Tout un programme.
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28 décembre 1979. Cela fait maintenant trois ans que Kyle Hyde végète sans but réel, cherchant, malgré lui, les raisons qui ont poussé son ex-meilleur ami Bradley à le trahir. Kyle et lui étaient jadis inspecteurs à Manhattan, traquant les criminels en tous genres qui pullulent dans la Grande Pomme... jusqu'au jour où l'on a appris que "Brad" était lui-même impliqué dans une sombre affaire de tableaux volés. Cette étrange histoire de flics ripoux s'achèvera dans le sang le 24 décembre 1976, quand Kyle fut contraint de tirer sur son ami. Traumatisé depuis cette date et traînant avec lui un chapelet de remords et de questions sans réponses, Hyde refuse de croire à la mort de Bradley, d'autant que le corps n'a jamais été retrouvé. Ayant abandonné son job et la lutte contre le crime new yorkais, le voilà devenu vendeur de porte à porte pour la Red Crown Company, qui l'envoie travailler dans une vieille bâtisse miteuse du Nevada : l'hôtel Dusk. Une sinistre demeure gorgée de mystères et de secrets, où Kyle ne tardera pas à voir son passé ressurgir en même temps que le nom de Brad. C'est également un théâtre de rencontres avec des clients aussi louches les uns que les autres, que notre héros va s'employer à interroger pour tirer les choses au clair. Qui est cet autre Kyle Hyde qui a séjourné à l'hôtel Dusk six mois auparavant ? Quel est le fameux secret de la chambre 215, qui selon la rumeur réaliserait les voeux de celui qui l'occupe ? Qui est cette jeune fille muette, qui porte au poignet le bracelet de Bradley ? Autant de mystères que le joueur devra découvrir.
Hotel Dusk : Room 215 (DS)
Si Hotel Dusk ne manque pas de qualités, nous allons le voir plus bas, sa grande force réside avant tout dans son atmosphère absolument remarquable. Visiblement inspirés par les fictions policières, les développeurs de CING ont cherché à reproduire une ambiance extrêmement romancée au sein de l'hôtel, quitte à s'abandonner dans quelques clichés un peu faciles comme le look de Hyde particulièrement typique des détectives - avec son grand imperméable sombre et son calepin qu'il dégaine en un instant - ou certaines personnalités somme toute assez caricaturales. Le rapprochement avec la littérature est d'autant plus net qu'il s'agit là d'un jeu très bavard, bourré de tartines de textes écrits avec soin et intelligence à n'en plus finir. Résolument mature et sérieux, le titre de Nintendo se joue de surcroît en tenant la DS en position verticale, comme s'il s'agissait d'un véritable livre. On remarquera malgré tout qu'une fois lancé, Hotel Dusk tient moins du roman que de la pièce de théâtre, avec un nombre limité de personnages qui interviennent successivement au sein d'un même lieu clos, comme des comédiens sur une scène. Les dialogues sont du reste passionnants (malgré un défilement un peu trop lent) et l'intrigue, suffisamment tarabiscotée pour laisser le joueur se triturer les méninges à chaque nouvel indice, est définitivement captivante.
Enquête de vérité
Hotel Dusk : Room 215 (DS)
Cela saute immédiatement aux yeux dès ses premiers échanges avec les clients de l'hôtel, Kyle Hyde semble frappé d'une curiosité pathologique, ce qui ne va d'ailleurs pas lui valoir que des amitiés parmi ses voisins de palier. Manifestement très marqué par ses vieilles habitudes d'inspecteur de police, il fait rapidement preuve d'une disposition quasi-surnaturelle aux indiscrétions en réagissant systématiquement sur le moindre propos évasif, relevant chaque regard vaguement fuyant comme un signe de mensonge, notant les infos les plus anecdotiques sur son calepin comme s'il s'agissait d'une preuve. L'enquête de Hyde consiste en fait et avant tout à faire parler tous ses voisins pour lever le voile sur la disparition de Bradley : lors d'une conversation, chaque propos un peu ambigu se transforme automatiquement en question à poser et vient se ranger dans un sous-menu. A la fin de l'échange, le joueur peut y accéder et reprendre, point par point, toutes les interrogations de Hyde, qui assène alors une pluie de questions à son interlocuteur pour que ce dernier développe, détaille ou avoue. Les dialogues, qui représentent l'essentiel du jeu, gagnent en intérêt et en dynamisme grâce aux relances de Hyde, tout en laissant une marge de responsabilité au joueur. Ce dernier sera en effet plusieurs fois amené à conduire des interrogatoires d'une extrême tension face à des personnages émotionnellement instables ou menaçants. Il faudra alors choisir ses questions avec soin parmi un éventail qui distingue essentiellement le ton à adopter (agressif, compréhensif, ironique, poli, respectueux, etc.), et qui déterminera la suite de la conversation selon une arborescence de réponses prévues à l'avance. Certaines sont d'une importance capitale puisqu'elles peuvent mener droit au game over en cas de faux pas : on s'appliquera donc à ménager l'ego de Martin l'écrivain en adoptant un ton modeste mais ferme, tandis qu'il faudra se montrer plus direct et offensif avec Jeff, l'adolescent têtu. Si les questions choisies par le joueur ne sont pas les bonnes, Hyde finira par se faire renvoyer de l'hôtel suite à une plainte du client, ou fera de lui-même ses valises avec le moral dans les chaussettes. Parmi les différents personnages réputés difficiles, le nom de Dunning Smith reviendra assez régulièrement dans chacun des chapitres ; le propriétaire des lieux, bougon et peu amène avec les clients curieux constituera une menace plus ou moins latente durant toute la durée de l'enquête de Hyde. Il faudra donc rapidement apprendre à se montrer clean devant le patron pour ne pas se faire éjecter manu militari de l'hôtel à cause d'une question jugée trop indiscrète.
Hotel Dusk : Room 215 (DS)
En creusant un peu dans tous les sens et à force de relever systématiquement chaque élément brumeux de ses témoignages, Kyle Hyde disperse peu à peu l'intrigue au gré des chapitres et des personnages rencontrés. S'il commence par enquêter sur la disparition de son ancien associé, il embraye rapidement sur d'autres intrigues à tiroir nées de ses échanges avec les clients de l'hôtel, jusqu'à se mêler d'affaires qui n'ont plus rien à voir avec son investigation initiale. L'ex-inspecteur peut donc passer une bonne demi-heure à interroger une fillette inconnue sur sa famille sans raison apparente, ou s'attarder sur des détails que le commun des mortels aurait zappés sans broncher. On finit ainsi par apprendre des dizaines de secrets inutiles sur la vie des voisins, ce qui justifie bien les 10 chapitres que compte le jeu dans la mesure où Hyde doit résoudre chacune des intrigues parallèles pour avancer vers la suite de l'histoire. Hotel Dusk donnera donc parfois l'impression que sa bobine scénaristique se déroule en zigzag et ira jusqu'à imposer de véritables examens en QCM entre chaque chapitre pour vérifier que le joueur a bien suivi le fil. Et lui rafraîchir la mémoire au besoin.
Un jeu de couloirs
Hotel Dusk : Room 215 (DS)
Le seul vrai gros souci avec les pérégrinations de notre ami Hyde, c'est que tout le déroulement de l'aventure est d'une absolue linéarité, conjuguée, et c'est là que ça coince, avec un manque de profondeur qui rend, au final, l'expérience un peu trop téléphonée. On s'en aperçoit vite, Hotel Dusk ne prend pas le joueur par la main pour l'aider à avancer : il le tire carrément par le bras pour le forcer à passer une à une toutes les étapes dans l'ordre, sans que l'on puisse vraiment s'écarter du rail quand on le souhaite. Il faut aller voir untel, qui renverra chez unetelle, puis récupérer tel objet dans telle chambre pour le montrer à machin, etc. Basé avant tout sur les dialogues et dans une bien moindre mesure sur la recherche, Hotel Dusk consiste donc en grande partie à faire des allers-retours (c'était déjà le cas dans Another Code) dans les mêmes couloirs pour discuter avec des interlocuteurs qui se renvoient généralement les uns vers les autres, ce qui, en soi, n'est pas vraiment nouveau dans les jeux d'aventure traditionnels.
Hotel Dusk : Room 215 (DS)
Seulement voilà, la linéarité inhérente au genre prend des proportions bien plus gênantes à cause du manque de vie qui frappe l'hôtel et qui dispense le joueur de vraies initiatives dans la recherche. Au cours de la partie, il aura sans doute parfois la désagréable impression de simplement tourner les pages d'un roman dont il n'est absolument pas l'auteur. Si Kyle décide tout seul qu'il faut aller voir Dunning pour lui soutirer quelques infos par exemple, il n'y aura strictement rien d'autre à faire que de s'exécuter sans broncher puisque les autres clients de l'hôtel auront mystérieusement disparu, éclipsés par le jeu qui n'estimait pas leur présence nécessaire. Pour reprendre la comparaison théâtrale qui devient du coup d'autant plus valide, Hotel Dusk ne met sur scène que les personnages directement impliqués dans l'intrigue et renvoie tous les autres en coulisse. Ne cherchez pas, par exemple, des voisins en train de papoter tranquillement sur votre palier et qui pourraient éventuellement trahir un détail pour votre enquête ; n'essayez pas non plus d'aller frapper à leur porte en espérant causer un peu avec eux, puisque la plupart ne répondront pas. Et inutile bien entendu de retourner l'hôtel de fond en comble pour retrouver vos voisins absents, comme votre serviteur a pu le faire en vain, puisqu'ils seront alors inexplicablement introuvables, planqués dans le néant des non-dits scénaristiques. Certains PNJ croiseront bien la route de Hyde sur le chemin du bureau de Dunning, mais uniquement si c'est nécessaire pour faire avancer l'intrigue. Le jeu ne s'y trompe d'ailleurs pas : dans une bonne partie des cas, il oblige le joueur à engager la conversation avec le voisin en question lorsqu'on passe devant sa porte. Ce manque global d'épaisseur dans l'univers de Hotel Dusk rend par conséquent ses innombrables scripts plus saillants et visibles, désamorçant du même coup l'immersion dans l'enquête, un peu comme un film de science-fiction dont on verrait trop facilement les trucages. C'est donc une déception pour un jeu qui avait cherché jusque-là, par le réalisme de ses énigmes et de son background, à rester cohérent. Hotel Dusk étant de surcroît plutôt facile, c'est malheureusement à la durée de vie de payer la note : comptez en moyenne deux après-midi pour boucler l'enquête, ce qui est tout de même juste pour un titre de ce genre.
Un bien bel ouvrage
Hotel Dusk : Room 215 (DS)
Qu'il cuisine son témoin avec conviction, résolve des énigmes-puzzles, déambule dans les couloirs austères de l'hôtel ou regarde scrupuleusement autour de lui à la recherche d'un indice, Kyle se dirige intégralement au stylet de la DS. Hotel Dusk est en effet un titre "tout tactile", dans la mesure où la plus élémentaire des interactions est émulée avec la petite baguette sur l'écran tactile ; prendre un objet donné par un PNJ ou ouvrir une simple porte donne lieu à une séquence spécifique où il ne s'agit souvent que de déplacer la main de Kyle sur l'écran, ce qui dans le dernier cas s'avère assez lourdingue passé l'effet de découverte. D'une manière générale et accessoirement réussie, le titre de Nintendo n'est pas avare en puzzles en tous genres et autres épreuves "interactives", où tout se fait via le stylet : ouvrir une valise avec un morceau de cintre, crocheter une serrure, réparer une installation électrique, ou encore relier des points sur un bout de papier pour déchiffrer une combinaison. Pensés pour relancer le rythme de la partie et parer la monotonie qui guette malgré tout assez rapidement, ces petits jeux rudimentaires parviennent efficacement à raviver la motivation après une douzaine d'interrogatoires bien relevés.
Hotel Dusk : Room 215 (DS)
Si son atmosphère incroyable reste l'atout numéro un de Hotel Dusk, les amateurs de beau jeu seront toutefois heureux d'apprendre que la réalisation n'est pas en reste avec une esthétique vraiment réussie, grâce à une habile cohabitation 2D/3D. Les personnages sont rendus dans un style crayonné particulièrement joli, comme des esquisses - monochromes la plupart du temps - qui s'animent au gré des émotions. L'écran qui affiche les décors en vue subjective est quant à lui exclusivement composé de 3D, plutôt jolie au passage, mais qui pixellise pas mal quand on s'approche d'un peu trop près. Hotel Dusk cultive également un côté vieillot dans son choix de couleurs, préférant le noir et blanc ou le sépia à des coloris plus vifs, ce qui confère à l'ensemble un cachet unique et bourré de charme rustique. Les nombreuses pistes musicales que compte le jeu ont, quant à elles, le bon goût de ne pas assommer le joueur durant son investigation ; souvent discrètes, parfois subtiles, toujours de qualité, elles accompagnent Hyde avec intelligence et soulignent les moments clés par quelques pics d'intensité mélodique. Là encore, c'est du beau boulot.
note:7 Bon
[Pas de mode multijoueur]
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Hotel Dusk : Room 215 (DS)
A vouloir faire de leur jeu d'aventure un véritable roman policier, les équipes de CING ont d'abord réussi à insuffler à Hotel Dusk : Room 215 une valeur ajoutée unique avec une atmosphère bourrée de charme et un gameplay solide autour des dialogues qui rendent, au final, l'expérience très agréable. L'excellent design général ainsi que les nombreuses interactions tactiles abondent également dans ce sens, apportant le confort et le rythme nécessaires pour parer les longueurs des interrogatoires. Revers de la médaille : la progression se retrouve paradoxalement prise en otage par l'histoire et ne laisse que peu de libertés au joueur, pas plus qu'elle ne développe un univers "persistant" au sein de l'hôtel (avec notamment l'absence totalement incohérente de vie en dehors des scripts de l'intrigue principale). L'impression qui s'en dégage est que l'on n'a pas forcément le sentiment de provoquer les événements, le joueur étant parfois plus témoin que détective. De gros défauts pour de gros regrets donc, mais que l'on ne s'y trompe pas : Hotel Dusk reste néanmoins une jolie réussite... mais sans doute plus sur le plan artistique que sur celui du game design.
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